Le bien-être des chevaux dans le sport équestre de haut niveau : Est-il possible de concilier le bien-être du cheval tout en atteignant des performances de haut niveau ?
La question du bien-être du cheval de sport est actuellement sous les projecteurs, avec des préoccupations croissantes concernant la maltraitance, le dopage et les pratiques controversées. Les cavaliers et les organismes sont en pleine évolution pour prendre en compte l’éthique animale.
Les écuries sont désormais scrutées de près lors des compétitions afin de garantir le bien-être des animaux. Cette question bouscule l’univers du sport équestre, mettant en évidence des problèmes tels que le dopage, les pratiques abusives et la maltraitance, qui soulignent l’importance de prendre en considération l’éthique animale face aux attentes de la société.
Ces dernières années, plusieurs événements ont mis en lumière ces problématiques, notamment lors des Jeux Olympiques de Tokyo en 2021 et une intervention militante lors du CSI5* de Bordeaux. Est-il possible de concilier le bien-être du cheval tout en atteignant des performances de haut niveau ?
« Monter à cheval est de la maltraitance », déclare Peter Janssen, membre fondateur de l’association Vegan Strike Group, qui s’est engagé à dénoncer la maltraitance dans le sport équestre. Selon lui, les chevaux restent enfermés toute la journée dans des boxes lorsqu’ils sont en ville. Ce défenseur des droits des animaux soulève non seulement des problèmes logistiques, mais il met également en évidence le stress imposé aux chevaux sur le parcours, les forçant à sauter de plus en plus haut et vite. Bien que conscient que les cavaliers aiment leurs chevaux, Peter Janssen considère que cela va à l’encontre de la nature même de l’animal, affirmant qu’il n’est pas libre. Il pousse même l’argument plus loin en suggérant que la loi interdisant les spectacles d’animaux sauvages, qui entrera en vigueur en 2028, devrait également s’appliquer à l’équitation. Il souhaite sensibiliser le public et affirme que son association continuera ses actions contre l’équipe néerlandaise jusqu’aux Jeux Olympiques de Paris en 2024.
Anne Couroucé-Malblanc, vétérinaire, enseignante en médecine équine à l’école de Nantes, présidente de la commission vétérinaire de la FFE (Fédération Française d’Équitation), membre de la commission vétérinaire de la FEI (Fédération Équestre Internationale) et membre de la commission bien-être à la FFE, est une experte reconnue dans le domaine. Selon elle, le bien-être du cheval est un ensemble de facteurs comprenant les soins, la médecine préventive et l’environnement de vie. Si cette question préoccupe la FEI depuis un certain temps, la société dans son ensemble fait évoluer les mentalités. La prise de conscience du grand public est en marche, et il est nécessaire d’expliquer et de communiquer sur les mesures prises, car les attentes de la société sont de plus en plus importantes, affirme la spécialiste. « Les comportements abusifs doivent être sanctionnés », souligne Anne Couroucé. Des dénonciations de maltraitance ont eu lieu dans différentes disciplines équestres telles que le CSO (saut d’obstacles), le dressage ou le complet. Cependant, ces mauvais comportements ont-ils réellement disparu ? « Nous ne pourrons jamais empêcher les mauvaises personnes de les utiliser », reconnaît Anne Couroucé, ajoutant qu’il est important que ces abus soient exposés au grand jour et sanctionnés.
Sur les concours, le responsable de veiller à ces bonnes pratiques est le chef de piste, appelé steward lors des compétitions internationales. Selon Anne Couroucé, c’est à lui ou elle de signaler les abus, sans céder aux éventuelles intimidations. Tous les mauvais comportements doivent être sanctionnés, car personne n’est intouchable. Cependant, la décision de sanction relève d’une décision collective impliquant le jury et l’organisateur, ce qui peut parfois poser problème. Fabrina Lebourgeois, une steward normande de niveau international, est réputée pour son application stricte du règlement. Elle peut délivrer des avertissements (cartons jaunes) aux cavaliers et à leur entourage en cas de non-respect des règles. Au bout de deux avertissements, la FEI ouvre une enquête pouvant mener à la suspension du cavalier. Bien qu’elle n’ait jamais délivré de carton jaune jusqu’à présent, certains professionnels ont été disqualifiés pour avoir enfreint le protocole.
Au fil des années, Fabrina constate l’évolution de son métier. Ils sont plus nombreux et peuvent contrôler les chevaux avant et après le parcours. Ils surveillent également les écuries jour et nuit pour lutter notamment contre le dopage. Cependant, le dopage reste un problème, avec des contrôles aléatoires et non systématiques, contrairement aux courses hippiques. Pour remédier à cela, il faudrait augmenter le nombre de contrôles et effectuer des prélèvements directement chez les cavaliers, ce qui s’est révélé dissuasif dans les courses hippiques. Les laboratoires travaillent également sur de nouvelles techniques pour réduire le seuil de détection des substances dopantes, mais les fraudeurs trouvent toujours des moyens de contourner les règles.
La transformation du sport équestre est en cours, mais elle est parfois trop lente. Par exemple, certaines pratiques liées à l’utilisation de matériel tendent à être oubliées au profit du bien-être du cheval. Anne Couroucé mentionne l’interdiction de certaines embouchures, éperons ou protections. De plus, une révolution pourrait se produire dans le dressage avec la possible suppression de l’obligation de la bride, bien que cela suscite des réticences. Pour Anne Couroucé, il ne faut pas tomber dans les extrêmes. Laisser un cheval enfermé 23 heures par jour dans un box n’est plus acceptable, car cela peut entraîner de graves problèmes de santé. Cependant, l’oublier en liberté dans un pré peut également être assimilé à de la maltraitance. Tout est une question d’équilibre. Elle donne quelques conseils pour améliorer les conditions de vie des chevaux et les adapter au haut niveau, notamment en favorisant les interactions sociales entre chevaux et en offrant un environnement adapté. Selon Anne Couroucé, les chevaux de haut niveau sont spéciaux. Elle affirme qu’ils peuvent être heureux en compétition. Elle cite l’exemple de Coronado, le cheval de haut niveau du cavalier français Eric Vigeanel, qui a continué à participer à des compétitions de concours complet même à 20 ans. Lorsque le cheval voyait le camion partir sans lui, il tombait malade à chaque fois. Selon l’observation de l’experte, ces chevaux exceptionnels sont de véritables athlètes avec une volonté réelle de performer. Anne Couroucé souligne que le cheval ne doit pas être poussé dans sa zone de stress extrême. Si un cheval n’est pas capable de faire face à une épreuve, cela peut être catastrophique. La FEI est attentive à ces questions et dispose d’une cellule de surveillance qui examine les incidents pour trouver des solutions visant à prévenir les tragédies. Par exemple, dans le saut d’obstacles, les obstacles sont conçus de manière à ce que ce soit l’obstacle qui se casse lorsqu’il est effleuré, et non le cheval.
En conclusion, le sport équestre subit une transformation pour prendre en compte le bien-être des chevaux, mais il reste encore beaucoup à faire. Les instances sportives, les cavaliers et les autres acteurs doivent continuer à promouvoir l’éthique et le bien-être animal, tout en recherchant un équilibre entre la performance et le respect de l’animal.